mercredi 11 mars 2009

Rendez les armes

Pour garder un peu le contact avec l’actualité française, j’aime lire régulièrement les articles en ligne du journal Le Monde. Une manière de ne pas revenir dans quatre mois complètement ignorante de ce qu’il s’est passé chez moi. Et l’un des articles qui m’a interpellé, qui ne concerne pourtant pas la France, a comme sujet les armes à feu aux États-Unis. D’un point de vue français, le sujet est toujours un peu flou, et le cliché facile. Les États-Unis sont vu comme un pays dans lequel non seulement tout un chacun peut posséder une arme presque sans restriction, mais en plus, les américains adorent les armes à feu et revendiquent le droit d’en posséder. J’ai écrit “cliché” car je ne connais pas suffisamment bien la situation américaine pour affirmer que c’est la vérité.

AP/Jacqueline Martin

En France, les armes à feu n’ont pas particulièrement la côte. Je fais partie de ces personnes qui considèrent que laisser chacun disposer d’une arme à feu est dangereux. Voire inconscient. L’article du Monde décrivait une foire à armes à feu en Californie. La première chose qui m’a choqué, c’est l’argument principal de toutes les personnes interviewées: les armes à feu sont une protection. C’est déjà là qu’il y a un problème. Je ne doute pas de leur bonne foi, au contraire, mais c’est révélateur d’une société dans laquelle, pour lutter à armes égales avec n’importe quel agresseur potentiel, il faut être armé jusqu’au dents. En France, le nombre d’homicides par armes à feu est, d'après une étude de l'ONU, de 5,5 millions contre 62,4 millions pour les USA. Certes, les américains sont un peu plus nombreux que les français, mais ça fait encore beaucoup. Si on prend le Canada, le chiffre est de 6 millions. Si autant d’agresseurs, aux Etats-Unis, disposent d’armes à feu, je comprends bien les gens qui veulent se protéger. Mais je pense que c’est un cercle vicieux. Parce qu’on autorise les armes, alors tout le monde peut y accéder, y compris ceux qui en feront un mauvais usage (je ne vais pas m’étendre sur la question « y a-t-il vraiment un bon usage ? » ). Il reste bien sûr d’autres moyens d’agresser quelqu’un, ne serait-ce « que » à l’arme blanche. Mais le rapport de l’ONU que j’ai cité plus haut est formel : il y a un lien entre un haut taux d’homicides par armes à feu et la législation qui va avec. C’est donc bien une législation permissive qui provoque une hausse de la criminalité avec armes à feu, qui elle-même suppose de se protéger par les mêmes moyens.

Deuxième chose qui m’a choqué dans l’article : l’existence d’une association, très puissante, au point qu’on peut parler de lobby, pour la défense des armes à feu (l’expression elle-même prête à rire…). C’est la National Rifle Association (NRA). Je ne m’étendrai pas dessus. Disons seulement que ça corrobore la revendication et la fierté de porter une arme.

Mais il y a pire que les deux exemples que je viens de donner. Je vais tout simplement mettre la citation : « Plusieurs stands proposent des armes pour enfants : des vraies carabines calibre 22, courtes et légères, faciles à manier même pour les tout-petits. Les crosses et les bandoulières sont roses pour les filles, bleues pour les garçons. Il y a aussi un modèle orange vif avec des formes futuristes, genre jeu vidéo ». Je monte déjà au créneau quand il s’agit de mitraillettes en plastiques que les enfants exigent pour Noël. Alors de véritables armes, ça me laisse pantoise. Quand on sait qu’à l’autre bout du monde des enfants soldats sont enrôlés dans des guerres stériles et perdent totalement leur innocence, lire que les marchés des armes américains n’oublient pas les jou-jous des enfants, je trouve ça proprement insupportable. Et là je suis sincèrement heureuse de ne pas être américaine.
Mais rétablissons la localisation géographique : je ne suis présentement pas aux Etats-Unis, mais bien au Québec. D’après mes colocataires, on ne peut pas se balader dans la rue avec une arme impunément. Pour en posséder une, il faut un permis. Voilà qui ressemble plus à ce que je connais. A vrai dire, je n’aurais pas beaucoup plus à rajouter à propos du Québec : c’est la façon américaine de faire qui me choque, et les canadiens en sont bien loin.

En conclusion, je suis de celles et ceux qui pensent que la violence est l’arme des faibles. Quand on n’est pas assez fort pour imposer sa volonté sans avoir à recourir à la violence, et qu’on n’a pas la retenue d’accepter le refus et l’impuissance, c’est qu’on est intrinsèquement faible. Je laisse donc le mot de la fin à Isaac Asimov : « la violence est le dernier refuge de l’incompétence ».

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